POLARS D’AZERBAIDJAN

BAKOU par Jean-Christophe Rufin: Le flambeur de la Caspienne (Editions Flammarion)

« C’était une ville ressemblant au centre de Paris, avec ses immeubles en pierre de taille joliment sculptés, ses balcons soutenus par des cariatides, ses linteaux ornés de guirlandes, ses portes surmontées de frontons élégants. Lorsque le pays, à la fin du XIXe siècle, avait connu son premier boom pétrolier, il était allé chercher en Europe ses modèles architecturaux. Autour de la vieille citadelle ottomane s’était édifié un « Petit-Paris » haussmannien. (…) Bakou, la ville des vents, était à cette saison ensoleillée et fraîche, traversée par de l’air marin venu de la Caspienne. (…) Il aimait flâner la nuit sur les remparts impeccablement restaurés et éclairés avec goût. Au clair de lune, la célèbre tour de la Vierge, vestige mystérieux aux origines zoroastriennes, prenait des allures fantastiques. (…)Les façades en verre de ces immenses tours construites sur une colline dominant la ville sont illuminées de jour comme de nuit par des projections mobiles et colorées. Elles donnent l’impression de brûler comme de gigantesques torches. (…) Quelques buildings à peine terminés s’élevaient au voisinage des tours mais rapidement la ville se terminait et, tout près de ces constructions futuristes, s’étendait encore une lande de genêts secs et de pins. De vieilles maisons de guingois y survivaient. »

Aurel Timescu, Roumain naturalisé français, devenu diplomate grâce à l’intervention de son beau-père, est nommé consul adjoint à Bakou. Fainéant, il n’a pas fait long feu dans ses postes précédents dont d’ailleurs personne ne voulait. Mais la capitale de l’Azerbaïdjan lui plaît et il y resterait volontiers. Malheureusement pour lui, l’ambassadeur Gilles de Carteyron, ne veut pas de lui. Il le prévient qu’il va demander au Quai d’Orsay de le rappeler rapidement à Paris. Entre-temps, il lui interdit de toucher au moindre dossier ce qui n’est pas pour lui déplaire. Aurel s’interroge. L’ambassadeur a-t-il eu vent de sa mauvaise réputation ou craint-il ses talents d’enquêteur qu’il a développé en marge de ses fonctions officielles ? Aurel est arrivé à Bakou dans un contexte très particulier. La femme de l’ambassadeur est morte accidentellement, un mois plus tôt, en tombant du rempart d’un château médiéval de la région du Nakhichevan, une enclave en territoire arménien. (suite…)