A LA DECOUVERTE DE MARSEILLE (FRANCE) EN 1890 avec Jean Contrucci: L’énigme de la Blancarde (Editions JC Lattes et Livre de poche)

« Pour gagner la lointaine banlieue, Raoul acheta un billet de seconde classe à la Compagnie du Chemin de Fer de l’Est de Marseille. Le nom était bien pompeux pour une ligne qui ne dépassait pas huit kilomètres. (…) Depuis deux ans, la compagnie exploitait un mode de transport révolutionnaire. (…) Il s’agissait d’un chemin de fer souterrain, unique en son genre, qui passait en tunnel sous la colline couronnée par la Plaine-Saint-Michel pour déboucher à l’air libre sur le boulevard Chave. Il le parcourait dans son entier, desservait la petite gare de la Blancarde. (…) Aux portes mêmes de la ville, distante de deux kilomètres cinq cents, ce terroir campagnard, partagé par la ligne de chemin de fer de Toulon, était parcouru de rues en terre battue chichement éclairées par des réverbères à gaz installés depuis peu. Il était planté de prairies, de vergers d’arbres fruitiers, de jardins potagers et de vignes, étagés sur des pentes douces jusqu’aux rives du ruisseau le Jarret. »

Le 16 décembre 1891, dans le hameau de La Blancarde qui deviendra avec le temps un arrondissement de Marseille, la très fortunée Marie-Thérèse Magnan, veuve d’un négociant en oléagineux, est mortellement étranglée, le soir, dans la chambre à coucher de sa maison. Elle y vivait avec pour seule compagne Adèle Cayol, sa bonne, orpheline de quinze ans. Louis Coulon, son fils adoptif, est rapidement arrêté. Le témoignage d’Adèle l’accable. Elle affirme qu’elle a fait entrer « monsieur Louis » dans la villa et l’a caché dans sa chambre jusqu’à ce qu’il monte assassiner Mme. Magnan. Il finit par avouer que la jeune fille lui accordait ses faveurs sexuelles contre une rémunération de deux francs. D’autres témoignages et des preuves matérielles vont dans le sens des déclarations de la bonne. Louis se défend mal, se contredit. La cour d’assises le condamne aux travaux forcés à perpétuité. Sa complice, Adèle, est acquittée et placée dans un établissement religieux. La cour d’appel confirme la sentence.

Deux ans après les faits, Raoul Signoret, jeune reporter au Petit Provençal, reçoit une lettre anonyme qui prétend que Louis Coulon est innocent. Il était certes sur les lieux mais n’aurait pas assassiné la vieille dame. Resté à l’extérieur de la demeure, il aurait surpris une conversation entre Adèle et un autre homme. L’auteur de la lettre accuse celui_ci d’être le véritable meurtrier.

Le journaliste en parle à son oncle qui est commissaire de la Sûreté et reste convaincu de la culpabilité de Coulon. Le courrier anonyme n’est, d’après lui, qu’une tentative de quelqu’un de l’entourage du condamné pour obtenir une réouverture de l’enquête.

Alors qu’il traverse le quartier « réservé » aux prostituées, Signoret reconnaît l’une d’entre elles, la jeune Adèle Cayol. Lorsqu’il lui parle de la lettre qu’il a reçue, elle s’affole. Son souteneur intervient. Les deux hommes se battent et sont arrêtés par la police. Adèle demande à rencontrer le procureur et revient sur son témoignage qui incrimine Louis Coulon.

Ce roman est librement inspiré d’un fait réel qui s’est produit à la même époque mais qui, lui, demeure une énigme puisque le meurtrier n’a jamais été démasqué. L’auteur, pour ne pas laisser ses lecteurs insatisfaits, propose une solution à cette affaire même s’il laisse encore planer un doute.

On y apprend l’existence de ce « quartier réservé » à la prostitution qui comptait plusieurs dizaines de « maisons publiques ». En contrepartie, la prostitution était interdite ailleurs dans la ville. La vie politique était très active avec, à ses extrêmes, les guédistes d’un côté et les militants de l’Action française de l’autre. A l’exception des trains, la circulation était « hippomobile » ou piétonne…

Le roman est pimenté par la relation amoureuse entre le journaliste et Cécile, une jeune femme issue de la grande bourgeoisie au grand dam du père de celle-ci, un riche négociant qui y voit une mésalliance. Au-delà d’une intrigue bien troussée, « L’énigme de la Blancarde » vaut aussi par ses descriptions très documentées et hautes en couleurs de la vie à Marseille à la fin du XIXème siècle.