A LA DECOUVERTE DE LAGOS (NIGERIA) avec Leye Adenle: Feu pour feu (Editions Métailié Noir)

« Alfred Rewane Road était bloquée. Sur le pont, au niveau du rond-point de Falomo, les gens étaient descendus de voiture. ( …) Ils passèrent devant Mekunwen Road et continuèrent d’avancer, en se repérant d’après la position des hélicoptères au-dessus du quartier. Au coin de Macpherson, un Toyota LiteAce était garé dans le sens de la largeur. (…) Trois 4×4 noirs aux vitres teintées quittèrent Coker Road en faisant crisser leurs pneus pour s’engager sur Ilaka Street, dans la banlieue de Mushin, non loin d’Ikeja. (…) Le marché, comme à son habitude, était un véritable chaos humain. Des milliers de personnes entassées sur la même portion de rue, où les étals de fortune se déployaient sous des canopées de parasols et des auvents encroûtés de poussière, et côtoyaient des articles posés sur des tapis, à même le sol. Un rassemblement mouvant, tanguant et bruyant de vendeurs et d’acheteurs, de pickpockets et de gosses qu’on payait pour porter ses courses, de prophètes en tunique blanche qui faisaient tinter des clochettes et vociféraient leurs sermons, d’opportunistes et de marchands –et parmi eux, des tueurs aussi. (…) De l’autre côté de la rue, une immense bannière jaune pendait sur le côté d’une des tours de l’Eko Court. Sur sa gauche, presque au-dessus de lui, se déployait le pont qui donnait sur Ikoyi-Akin Adesola Street, que tout le monde appelait le Falomo Bridge. Sur sa droite, les odeurs du marché au poisson. »

Chief Adio Douglas, candidat du parti au pouvoir au poste de gouverneur de l’Etat de Lagos, monte avec Titi, sa nouvelle petite amie, à bord de l’avion qui doit le conduire à Abuja où il doit rencontrer le président de la République. Le pilote n’est autre que le fiancé, jaloux, de la jeune femme. Il précipite l’avion sur la villa de Douglas. Le crash n’a pas de survivants.

L’avocate Amaka est dans sa voiture, près du marché d’Oshedi, quand elle aperçoit une foule déchaînée lyncher un jeune homme en enflammant un pneu autour de son corps. Elle filme la scène. Un petit voyou profite de ce que certains justiciers s’en prennent à elle pour lui voler son sac à main.

Chief Olabisi Ojo se réveille, nu dans une chambre d’hôtel. La fille qui a passé la nuit avec lui a disparu. Elle ne lui a volé que la carte SIM de son portable. Il pense qu’elle l’a drogué pour cela. Quand il rentre chez lui, sa femme lui montre la photo  qu’elle a reçue sur son portable qui le montre dans un lit à côté d’une jeune femme aussi nue que lui mais dont le visage n’est pas visible.

Otunba Oluawo, un vieillard de quatre-vingt ans, est « le parrain des parrains » de la vie politique nigériane. Il choisit et démet sénateurs, ministres et gouverneurs. La mort de Douglas perturbe ses plans. Il choisit son gendre Ojo pour être le nouveau candidat de son parti au poste de gouverneur. Mais Ojo doit être présentable. Or, il est un client régulier d’un bordel haut de gamme dissimulé dans une forêt. Il y a des rapports tarifés avec de très jeunes prostituées mineures. Les images qu’il en a gardées en souvenir sont sur la carte SIM qui lui a été dérobée par… Amaka. Celle-ci va tenter de le piéger et cherche aussi une jeune prostituée qu’elle avait connue quand elle avait été laissée pour morte au bord d’une route par Ojo et Malik, le propriétaire du bordel et ennemi de toujours de la jeune avocate. Amaka veut faire tomber ces pervers et fait appel pour cela à une autre prostituée  et à Ibrahim, un policier qui l’a toujours aidée. Le combat entre elle, Malik et les hommes de main d’Otunba est sans pitié avec en perspective les élections au poste de gouverneur de l’Etat de Lagos.

Lagos est la ville de tous les possibles surtout du pire : une corruption à tous les niveaux de la politique jusqu’à chaque citoyen prêt à se laisser acheter sa voix ou sa carte d’électeur, une violence omniprésente où politiciens, miliciens privés et truands circulent au vu de tous avec leurs kalachnikovs en bandoulière, des exécutions sommaires et lynchages en pleine rue frappant innocents et coupables. Même les justes sont contraints à des compromissions et des méthodes discutables pour arriver à leurs fins. Lagos est, aux yeux de Leye Adenle, une ville impitoyable pour tous ses habitants ce qu’il illustre par un polar palpitant qui scrute la société nigériane dans tous ses travers.