MOOREA par Patrice Guirao :Le bûcher de Moorea (Editions Robert Laffont-La bête noire)

GUIRAO BUCHER MOOREA« Moorea était toute proche. L’île, aux flancs alourdis d’une végétation brassant tous les verts, en gros plan sur fond de ciel bleu. Offrant la douceur de son lagon piqueté de beige et serti de blanc comme des vitraux de menthe posés dans un écrin de brume. Et le récif. » Moorea est une île de Polynésie française. Elle fait partie des îles du Vent, dans l’archipel de la Société. Elle fait face à Tahiti, son île sœur, distante de 18 kilomètres, dont elle est accessible par avion (sept minutes de trajet) et par bateau (de 20 à 45 minutes selon l’embarcation). D’une superficie de 134 kilomètres carrés, de forme triangulaire, elle compte environ 17.000 habitants. Connue principalement pour ses plages, ses baies dont les principales sont celles de Cook et d’Opunohu, son lagon et sa barrière de corail qui s’ouvre sur l’océan Pacifique par douze passes, elle est pourtant très vallonnée avec huit montagnes dont le point culminant est le mont Tohi’e’a (12097 m.). Outre le tourisme, elle a pour autres activités économiques la pêche et la culture d’ananas.

Alors qu’un festival international de danseurs du feu se tient sur l’île, un horrible quadruple meurtre est perpétré. Les corps sont tous démembrés. Trois d’entre eux une jambe du quatrième sont déposés sur un autel de pierre basaltique dans une forêt. Le cadavre de la quatrième victime, une jeune femme, est retrouvé dans une voiture en contrebas d’une route. La deuxième jambe manque.

Les morts sont indonésiens : deux militaires dans la soixantaine et deux jeunes call-girls. Tous les quatre séjournaient dans un hôtel. Leurs chambres sont fouillées et ravagées peu après la découverte du bûcher. Deux jeunes femmes, Lilith, une photographe, et Maema, une journaliste, qui travaillent pour le journal « La Dépêche » mènent leur propre enquête. Celle-ci conduit Lilith à trois jeunes voyous qui avouent avoir emporté la jambe manquante et l’avoir caché dans un coffre de voiture. Ils sont arrêtés par la police mais nient être impliqués dans les meurtres. Un autre jeune homme, transgenre, est suspecté parce que son portable a été utilisé pour diffuser des photos des cadavres.

Pendant ce temps, en métropole, Nael, un tueur en série, qui a déjà plus d’une centaine de meurtres à son actif, assassine, dans le Périgord, une vieille dame et un jeune garçon dans une maison où il trouve dans un congélateur la dépouille de sa propre femme Ariane qui tient en main sa photo. Il transporte les trois cadavres jusqu’aux abords de la frontière espagnole et les dissimule dans un transformateur électrique. Il y tombe sur un rat qui lui parle et devient sa mauvaise conscience. En revenant dans la demeure de la vieille dame pour effacer les traces de son passage, il trouve des photos d’Ariane avec lui à Tahiti. Il décide de s’y rendre avec le rat. Arrivé sur place, il fait la connaissance de Raymond, l’oncle de Lilith, qui reconnaît en lui un homme qui s’est pendu des années plus tôt. Le vieil homme se demande s’il n’a pas devant lui un mort-vivant. Mais il ignore que Lilith a été l’amante d’Ariane…

Patrice Guirao se revendique du polar « noir azur » « qui est le creuset des différentes identités – des altérités – de ces îles disséminées dans les camaïeux de bleus de l’océan Pacifique. » (…) Le roman « noir azur » doit « s’imprégner de l’essence de la vie et des pulsations des forces naturelles en présence dans cette partie du monde. On doit y entendre les bruits de l’océan et les silences des lagons, y voir les couleurs qui chatoient et l’immensité des petites choses, la fragilité et la tendresse, comme la puissance et la violence contenues. » Ce manifeste illustre les thèmes du « Bûcher de Moorea » qui, tout en étant donc un polar, est aussi un roman qui laisse une large place à l’ésotérisme. Ses personnages croient à l’existence d’un autre monde qui a ses propres principes et sensations, bousculant les barrières entre la vie et la mort. « Les magies sont farouches. (…) Elles étaient là ce soir. Tout autour du fare. Dans l’herbe gorgée de nuages qui chantaient sous les pas. Sur les fils d’argent qui scintillaient entre les fleurs endormies. » C’est donc une Polynésie loin des cartes postales que révèle Patrice Guirao mais sur fond d’une intrigue cruelle et sanglante. Le meurtre est tout aussi répugnant sous les cocotiers.