MORT D’UN ECRIVAIN (10)

Les dix premiers chapitres de « Mort d’un écrivain », le polar de Rafaël Nedzynski, sont disponibles sur polarsethniques.wordpress.com sous la rubrique « Mes polars ». Le roman en entier est publié en version numérique par kobo.com

Chapitre 10

La sonnerie du téléphone terrasse Darius dans son lit, le réveille en sursaut. La montre de chevet lui apprend qu’il est huit heures du matin. Il décroche enfin.

Darius, c’est moi.

Il ne peut s’en prendre qu’à lui-même. Il n’a pas appelé sa mère depuis plusieurs semaines. Il devait s’attendre à ce qu’elle se manifeste pour prendre de ses nouvelles. Elle le fait toujours le matin, tôt, tôt pour Darius, tard pour elle qui se lève à l’aube ou même avant celle-ci depuis qu’elle s’est trouvée une vocation d’agricultrice, à soixante-dix ans lorsqu’elle s’est installée dans l’arrière-pays niçois à proximité de sa sœur et de son beau-frère. Elle cultive un jardin potager qui devient une exploitation maraîchère au fil du temps. Elle s’est aussi mise au mimosa, à la lavande, à d’autres plantes dont Darius ignore tout.

MORT D’UN ECRIVAIN (9)

Les neuf premiers chapitres de « Mort d’un écrivain », le polar de Rafaël Nedzynski, sont disponibles sur polarsethniques.wordpress.com sous la rubrique « Mes polars ».

Le roman en entier est publié en version numérique par kobo.com

CHAPITRE 9

Le circuit du matin lui confirme que les taggeurs n’opèrent plus dans le quartier. Le temps gris ne l’inspire pas. Il s’attarde au comptoir du bistrot, lit le journal de la première à la dernière page, rachète deux paquets de cigarettes, en fume une chemin faisant.

Yvon l’attend impatiemment sur le pas de l’atelier et l’accueille avec enthousiasme.

• Darius, il faut que je te parle.

Charlie s’approche de lui pour se faire caresser. Darius est plus circonspect.

• Ecoute, je…

• Viens. Je n’en ai pas pour longtemps. Mais tu ne regretteras pas de m’avoir écouté.

Il le précède dans l’escalier et entre dans le bureau. Jérôme est assis à proximité du téléphone, l’air ennuyé.

• Laisse-nous, professeur. Je m’occupe du standard. Vas voir Raj à l’atelier. Il a du boulot pour toi.

• O.K. Yvon.

Il salue Darius en sortant, goguenard mais compatissant.

MORT D’UN ECRIVAIN (8)

Les huit premiers chapitre de « Mort d’un écrivain », le polar de Rafaël Nedzynski, sont disponibles sur polarethniques.wordpress.com sous la rubrique « Mes polars ».

Le roman en entier est publié en version numérique par kobo.com

CHAPITRE 8

Il se lève tôt, anormalement tôt pour lui, laisse Charlie devenu trop voyant à ce stade de l’enquête à la maison et part se poster dans la petite rue du Moulin de la Hague où habite le garçon blond qu’il a suivi la veille.

Malgré le flot continu d’informations que déverse la radio, il se sent gagné par le sommeil et sort à contrecœur de la voiture pour rester éveillé. Il attend encore une vingtaine de minutes avant de voir sortir le jeune homme, un sac à dos accroché à l’épaule. Il marche du même pas nonchalant à travers un labyrinthe de petites rues et aboutit de l’autre côté de l’avenue des Niesmes à un lycée devant lequel l’attendent trois des tagueurs de la veille. Ils fument une cigarette avant de rentrer dans le bâtiment.

MORT D’UN ECRIVAIN (7)

Les sept premiers chapitres de « Mort d’un écrivain », le polar de Rafaël Nedzynski, sont disponibles sur polarsethniques.wordpress.com sous la rubrique « Mes polars ».

Le roman en entier est publié en version numérique sur kobo.com

CHAPITRE 7

Dimanche oblige, Darius modifie son parcours matinal. Ses libraire et cafetier attitrés sont fermés. Il organise ses activités autour d’un petit marché sur les Maréchaux. Il commence par acheter son quotidien de référence auprès d’un marchand installé dans un kiosque au coin du boulevard.

Puis il se rend dans un café qui est le lieu de rendez-vous des commerçants et des badauds du marché. Il y obtient un bol d’eau pour Charlie et consomme  un café croissant classique. Il lit son journal avec une attention qui le protège des discussions politiques de bistrot.

Il parcourt ensuite l’allée du marché, compare les prix et achète les fruits, légumes, viandes et poissons qu’il a choisis lors d’un second passage en ignorant les boniments des marchands.

Il se retrouve les bras encombrés de sacs en plastique même si Charlie prend à cœur d’en porter un entre les dents.

Il range dans le frigo et l’armoire de la cuisine ces provisions sensées satisfaire son appétit et celui de Charlie pour la semaine.

MORT D’UN ECRIVAIN (6)

Les six premiers chapitres de « Mort d’un écrivain », le polar de Rafaël Nedzynski sont disponibles sur polarsethniques.wordpress.com sous la rubrique « Mes polars ». Le roman est publié en entier et en version numérique par kobo.com

CHAPITRE 6

La lecture du journal lui apporte une aide inattendue. Darius s’en veut de n’y avoir pas pensé lui-même plus tôt. Le compte-rendu d’un match des phases finales du championnat de basket nord-américain s’enthousiasme de la performance d’un joueur de l’équipe de Los Angeles. Il s’appelle Jeff Snow, comme dans les tags. Il est surnommé le Président, comme dans les tags, tout cela parce que Jeff est un diminutif de Jefferson et que Jefferson est le nom de l’un des plus célèbres présidents des Etats-Unis.

Darius replie le journal en souriant et le pose sur le comptoir pour boire son café. Les passionnés de basket américain se comptent par dizaines de milliers parmi les jeunes de Paris et de la banlieue. Il lui reste donc autant de suspects. Il  avance, de quelques centimètres certes. Mais il avance.

Le patron du bistrot dissipe son euphorie.

MORT D’UN ECRIVAIN (5)

Les cinq premiers chapitres de « Mort d’un écrivain », le polar de Rafaël Nedzynski sont disponibles sur polarsethniques.wordpress.com sous la rubrique « Mes polars ». Le roman en entier est publié en version numérique par kobo.com

CHAPITRE 5

Sylvie Rambers n’en peut plus. Hervé et Danièle lui disent, lui répètent qu’eux-mêmes, que n’importe qui aurait réagi comme elle. A leur place, elle dirait la même chose. Mais elle n’est pas à leur place. Elle est à la sienne.

Les faits sont ce qu’ils sont, indéniables. Si elle avait appelé la police plus tôt, celle-ci serait intervenue plus tôt et les violeurs auraient été arrêtés ou auraient au moins été interrompus dans leur saloperie. Peut-être le viol n’aurait-il même pas été commis. Elle se sent lâche. Elle est lâche. Elle a été lâche, lâche pour la deuxième fois.

Elle imagine ce que cette femme doit ressentir. Elle éprouve un sentiment de souillure, de dégoût, d’incompréhension. Elle doit se dire que rien ne sera plus jamais pareil, qu’elle est marquée d’une façon ignominieuse, qu’elle taira cette tache, qu’elle la gardera secrète. La compassion des autres ne l’aidera pas. Elle l’isolera davantage.

LE MAUVAIS ROLE (4)

CHAPITRE 4

QUESTION : Vous êtes bien Monsieur André Drex, né le 15 mars 1921 à Compiègne, retraité ?

André DREX : Oui, monsieur.

Q : Et vous, madame, êtes-vous Madame Henriette Drex, née le 3 août 1925, à Chantilly, retraitée ?

Henriette DREX : Euh… Oui, monsieur.

Q : Avez-vous vous formellement reconnu le corps qui vous a été montré comme étant celui de Gilles Drex, votre fils ?

( Pleurs de Mme. Drex)

A.D. : Oui.

Q : Madame. Monsieur… Votre fils a été assassiné.

H.D. : Oh ! Mon Dieu.

Q : Je vous présente toutes mes condoléances. Nous devons mener une enquête pour établir les circonstances exactes de sa mort et identifier le ou les assassins. Vous comprenez ?

A.D. : Oui. Mais comment a-t-il été tué ?

Q : Par balles, dans son appartement. Nous n’avons pas encore déterminé avec précision l’arme du crime.

MORT D’UN ECRIVAIN (4)

CHAPITRE 4

Darius apprécie ce mois de mai où les rayons du soleil le réveillent plus doucement que ne peut le faire Charlie, malgré toute sa bonne volonté. Il se lève sans effort, y puise une nouvelle détermination. Il emmène son compagnon dans leur périple matinal, muni de sa caméra vidéo. Il filme à nouveau les endroits répertoriés sur la liste de la veille. Quand il revient à la maison, il trouve Mehmet, le plombier albanais, sur le pas de la porte, en train de fumer une cigarette. La voix d’Yvon retentit de l’intérieur.

• Mémé, viens voir.

L’homme d’une quarantaine d’années, le visage émacié, les cheveux drus, élancé, les muscles fins, hausse les sourcils et pousse un soupir à l’intention de Darius. Il rentre suivi de celui-ci et du chien alors qu’Yvon insiste.

• Mémé, il y a un débouchage à faire dans un bistrot. Ils baignent dans la merde. Je vais y aller avec toi. Cela va leur coûter un max.
• Oui, monsieur Yvon.

Son curieux accent n’est ni slave, ni latin.

LE MAUVAIS ROLE (3)

CHAPITRE 3

Lorsqu’il travaillait, son premier geste, en se réveillant, était de brancher la radio posée sur la table de chevet et d’écouter les informations avant de se lever. Depuis qu’il est en retraite, ce réflexe s’est rapidement désactivé. Il rêvasse les yeux fermés mais ne résiste pas longtemps. La respiration haletante de Charlie, qui se rapproche de plus en plus de son visage à mesure que la matinée s’avance, le tire de sa somnolence. Le briard a un regard pétillant qui lui confère un air souriant, craquant, désarmant.

Darius s’assied dans le lit. Charlie observe, avec intérêt, son déploiement progressif vers la position verticale. Il s’approche de la fenêtre, constate que le ciel est uniformément bleu. Il aperçoit Andrei, l’ouvrier russe, entrer en courant dans la ruelle. Il est tout de blanc vêtu : short, tee-shirt, chaussettes et chaussures. Il s’arrête au pied de la maison, le visage rougi par l’effort. Il fait quelques étirements.

Yvon l’a convaincu de se remettre en condition. Darius pressent qu’Andrei regrettera tôt ou tard d’avoir raconté à Yvon qu’il a pratiqué la boxe en Russie. Son récit a déclenché l’infernale machine à idées d’Yvon qui a le projet de lui faire faire du full-contact et de jouer dans l’affaire un rôle de manager, mentor et agent. Effet collatéral positif, cet horizon nouveau a eu pour conséquence de détourner le Russe de son penchant pour l’alcool. Darius constate qu’il est effectivement doté d’une musculature impressionnante. De là à sortir indemne des fruits de l’imagination prolifique de Yvon…

LE MAUVAIS ROLE (2)

CHAPITRE 2

Il entrouvre les yeux. Un museau humide apparaît à une dizaine de centimètres du sien. A travers la masse de poils ébouriffés, des yeux brillants d’impatience guettent le moindre signe de vie. Charlie, briard de trois ans, penche la tête pour manifester son attente. Son horloge intérieure indique un retard que Darius Wilk, son compagnon, ne ressent pas du tout. Il baille sans retenue. Charlie redresse les oreilles devant ce premier mouvement prometteur. Darius le regarde, résigné, et s’assied dans le lit. Le chien s’impose encore un peu plus et obtient quelques caresses.

• Oui, oui.

Il se lève lentement, en respirant lourdement. La masse de cent-vingt kilos ne se laisse pas bouger facilement le matin. D’ailleurs, exception faite de l’activisme atavique de Charlie, rien ne presse un dimanche matin, au mois de juillet, pour un retraité de la police, qui mène une activité occasionnelle de détective. Personne ne l’attend. Il n’a pas de projet précis pour la journée, ni envie particulière. L’enchaînement des gestes, des actes en décidera pour lui.