Mois: juin 2024

A LA DECOUVERTE DE JATINGA (ASSAM) (INDE) avec Abir Mukherjee: Le soleil rouge de l’Assam (Editions Gallimard et Folio policier)

Jatinga est un village de 2500 habitants dans le district de Dima Hasad dans l’Etat de l’Assam au nord-est de l’Inde. « Un soleil ambré se lève, passant du rouge sang à l’or. Au-dessous une tapisserie de collines verdoyantes s’étend vers un horizon bleu et les vallées entre elles sont enveloppées dans une brume matinale soyeuse. Au loin apparaît Jatinga, ses bungalows blancs serpentant à flanc de coteau, leurs toits perçant la canopée comme des rochers dans une mer émeraude. (…) Le cœur de la ville montagnarde de Jatinga, si on peut l’appeler ainsi, consiste en quelques bâtiments de bois rassemblés autour d’une église, celle-ci résolument anglicane. » Le village est célèbre pour son mystère de suicides en nombre d’oiseaux après le coucher du soleil entre septembre et novembre. « D’immenses nuées (d’oiseaux) qui pirouettent dans les nuages comme d’un même élan. (…) Et ce soir, dans le vide de la nouvelle lune, cette voix leur ordonne-t-elle de descendre en vrille à travers le brouillard de la montagne pour venir s’écraser sur le sol de cette vallée au milieu de nulle part ? » Jatinga est au centre d’une bande migratoire pour des oiseaux venus du nord qui s’écrasent sur les bâtiments et les arbres, désorientés par le brouillard de la mousson et attirés par les lumières du village.

Février 1922. Le capitaine de police britannique Sam Wyndham arrive de Calcutta à Jatinga pour séjourner dans un ashram dont les moines doivent l’aider à se défaire de son addiction à l’opium. Dans une gare, il aperçoit un individu qui lui rappelle de mauvais souvenirs. Il le perd rapidement de vue.

Le traitement qu’il suit est éprouvant, fait de vomissements et de privations épuisants. Il se remémore l’une des premières enquêtes à laquelle il a participé en février 1905 dans le quartier de Whitechapel à Londres. Bessie Drummond, dont il a été amoureux avant de mettre fin à leur liaison, été assassinée dans le logement qu’elle occupait avec son mari violent. Deux jours plus tôt, elle avait déjà été agressée en rue avant que deux hommes ne se disputent pour elle et que Wyndham et son chef ne les fassent fuir. (suite…)

A LA DECOUVERTE DE STOCKHOLM (SUEDE) EN 1972 avec Maj Sjöwall et Per Wahlöö: La chambre close (Union générale des éditions et 10/18)

« Au moment où elle sortit de la bouche de métro de Wollmer Yxkullsgatan, deux heures sonnaient à l’église Sainte-Marie. Elle s’arrêta pour allumer une cigarette, avant de se diriger à grands pas vers la place de Mariatorget. (…) Puis elle se dirigea vers l’Ecluse et prit le métro pour rentrer chez elle. (…) La plupart des gens l’aurait qualifié de logement de rêve, situé comme il l’était au dernier étage d’un immeuble de Köpmansgatan, au cœur de la Vieille Ville. (…) En face, se trouvait le parc de Kronoberg qui, comme la plupart des parcs de Stockholm, était situé sur une hauteur naturelle. Martin Beck l’avait souvent traversé à l’époque où il travaillait à Kristineberg. Il montait alors l’escalier de pierre qui se trouve au coin de Polhemsgatan et gagnait le vieux cimetière juif, dans l’angle opposé. ((…) Il suivit le quai de Skeppsbron, sous le soleil, respirant à pleins poumons un air parfaitement pollué. (…) Il suivit Kungsholmsgatan, puis franchit le pont de Kungsbron, avant de longer Kungsgatan jusqu’à Sveavägan, où il bifurqua vers le nord. (…) Mauritzon descendit l’escalier, hésita un instant et se dirigea vers Agnegatan. Puis il tourna à droite, alla jusqu’à Hantsverkargatan, tourna à gauche et continua jusqu’à l’arrêt d’autobus de Kungsholmstorg. »

Une jeune femme braque une agence bancaire. Un client tente de la désarmer. Elle le tue d’une balle de pistolet dans la poitrine. Elle prend la fuite à pied. Les témoins de la scène induisent les policiers en erreur. Ils prétendent qu’elle est montée à bord d’une voiture où l’attendaient deux comparses. Ils finissent par avouer qu’ils ne savent même pas si le vol a été commis par une femme ou un homme déguisé. (suite…)

A LA DECOUVERTE DE LA LINEA (ESPAGNE) avec François Filleul: Poissons volants (Ker éditions)

« Il y a cette région, le détroit, le rocher, l’histoire sans fin de leurs trafics en tout genre. La Linea, cette défense contre Gibraltar, cordon de pierre pour claque murer les Anglais dans la roche, cette frontière faite ville, ce rempart poreux et dérisoire. Il y a la baie d’Algeciras, sacrifiée aux industries lourdes, en 1966, date à laquelle le généralissime avait décidé d’y flanquer tout ce qui pue et qui pollue. (…) Dans toute ville de province, point de salut hors du centre. Son pouvoir d’attraction est tel que pour la moindre sortie, le réflexe est de s’y rendre sans réfléchir. Que ledit centre se résume à trois ou quatre rues et soit dépourvu de véritable attrait comme à La Linea, ne change rien aux habitudes. (…) Elle dédaigna sur sa gauche le casino, d’une autre époque et dont elle n’était de toute façon pas membre et, à droite, le café Modelo, pourtant très joli parent pauvre des grands établissements de la fin du XIXe siècle. (…) Il remonta l’avenue Menendez Pelayo en direction du centre, calle Jardines, à droite calle des Clavel, puis à gauche calle des Alba. (…)La zone était pittoresque avec ses maisons délabrées couvertes d’azulejos bleus, bruns, jaunes ou blancs, d’autres où survivaient parfois des ornements néoclassiques. (…) La débâcle était générale. (…) Les devantures vides et déglinguées de marchands de meubles, électroménager, décoration, d’une librairie-papeterie, une distillerie et même un brûleur de café témoignaient d’un passé moins sinistre. »

Un réveillon de fin d’année. Minuit approche. Un groupe d’amis, adultes et enfants, font la fête. On sonne à la porte. Une des convives, Alicia Jimenez, fonctionnaire européenne, va ouvrir. Elle est abattue d’un calibre 9mm. C’est le début d’un carnage. Quatre adultes, deux enfants et un bébé sont tués. L’un des hommes a été attaché à une chaise et torturé avant son exécution. Il y a deux survivants : un Belge et l’une de ses filles de trois ans. Ils étaient dans la salle de bain au moment du massacre et s’y sont cachés. La scène macabre est découverte par Yolanda de la Torre, l’épouse de l’une des victimes, qui rentrait du restaurant où elle travaille comme sommelière. Les deux survivants n’ont rien vu. Leur témoignage n’apporte rien. (suite…)

METROPOLAR N°12: Les frasques du décapité de Georges Grison

Les métropolars constituent une collection éphémère, la collection Metro-Police, de 28 nouvelles. Ils ont été publiés en 1997-1998 par les éditions de la Voûte. Ils avaient la particularité de n’être distribués que dans les distributeurs automatiques installés par la société Selecta sur les quais du RER et du métro parisiens. Ils étaient vendus au prix de dix francs. Cette collection a alterné des nouvelles contemporaines et d’autres des années 30 dans la tradition du roman populaire. Pendant l’été 1997, la publication des métropolars a été suspendue pour laisser la place à deux polars inédits : « L’or des abbesses » de Gérard Delteil et « La fille du calvaire » de Jean-François Vilar. La fin rapide de cette collection signifie sans doute que cette forme de distribution était une fausse bonne idée.

Marius Riveira, un Marseillais, est un commerçant qui a fait fortune dans les affaires, achetant et revendant toutes sortes de biens et de produits. Il avait épousé une femme de dix ans de plus que lui mais pourvue d’une dot importante. Il vient de perdre Anita Bargeles, sa dactylographe, qui a démissionné par une lettre insolente.

Le lendemain, il annonce à sa femme qu’il part pour deux ou trois jours dans la région lyonnaise pour réaliser une grosse affaire. Mais au bout de quelques jours, il n’a toujours donné aucun signe de vie. Sa femme se confie à son gendre, maître Rogeard, qui est notaire. Ils se rendent ensemble à la Préfecture de police et y sont reçus par Mr. Chatelain, le chef des recherches. Il se déclare content de les voir parce qu’il voulait contacter Mme. Riveira parce qu’un pêcheur a trouvé sur les bords du canal de Saint Maurice le portefeuille et le parapluie de son mari. La police fait procéder à des  sondages dans le canal aux environs de l’endroit où les effets de Mr. Riveira ont été trouvés. Deux heures plus tard, un cadavre est ramené à la surface. Il est décapité mais porte les vêtements du commerçant.

Gustave Rideau, le fils d’un ami de Mr. Riveira, s’adresse au détective Robin. Il fréquentait Anita Bargeles et était amoureux d’elle. Du jour au lendemain, elle a rompu avec lui, quitté son logement et pris un fiacre qui l’a conduite à la gare de Lyon. Il demande à Robin de la retrouver.

Quelques jours plus tard, la police apprend qu’un homme se faisant passer pour Riveira mais dont le signalement ne correspond pas à celui du négociant a retiré de très grosses sommes d’argent de trois comptes en banque de ce dernier. Robin pense que le meurtrier avait Anita pour complice. Il décide de se lancer à la poursuite du couple en compagnie de Rideau qui pourra reconnaître la jeune femme.

A LA DECOUVERTE DE PORTO ALEGRE (BRESIL) avec José Falero: Supermarché (Editions Métailié)

« Un territoire vaste, localisé à l’extrême est de Porto Alegre : un territoire qui, tout en traînant dans un processus d’urbanisation interminable, présentait encore de nombreux vestiges de son lointain passé rural. (…) Née de l’avenue Bento Gonçalves, près de la limite entre Porto Alegre et Viamao, la route Joao de Oliveira Remiao proposait d’entrée de jeu, la première de ses nombreuses côtes, en menaçant déjà d’offrir le ciel comme destination. (…) Le jeune homme ne se retrouva pas sur le trottoir de la General Lima e Silva, ni sur le trottoir de la Ramiro Barcelos, ni sur le trottoir d’une quelconque rue décente de Porto Alegre. Ce trottoir-ci était celui de la Guaiba, une ruelle à l’asphalte crevassé, théâtre des plus ignobles infamies, des plus extravagants scandales et des plus cinématographiques fusillades. (…) Mais ce fut par là qu’Alemao entra dans la capitale gaucha, avant de poursuivre à vive allure sur l’avenue Maua. Ensuite, une fois sur la Loureiro da Silva, il contourna l’Edel Trade Center pour rattraper la Joao Pessoa et continua tout droit jusqu’au coin de la rue Doutor Sebastiao Leao. (…) Puis il traversa à pied la Joao Pessoa et longea la Jeronimo de Ornelas, en contemplant à distance l’immeuble illuminé de l’Hôpital des cliniques. (…) En quittant le quartier de Menino Deus, les véhicules traversèrent la ville basse par la rue du Dr Sebastiao Leao. »

Geraldo, le gérant d’un supermarché, soupçonne deux de ses employés de chaparder de la marchandise mais n’en a aucune preuve. Les caméras de vidéosurveillance ne lui sont d’aucune aide. Il s’en plaint à son directeur qui, pour l’apaiser, promet de lui affecter deux vigiles supplémentaires. Les deux employés sont des « rayonneurs », chargés du réassortissement des rayons. Tous deux sont jeunes et vivent dans la misère de favelas. L’un, Pedro, vit avec sa mère, l’autre, Marques, avec sa femme Angelica et son fils Daniel. Elle attend un deuxième enfant. Ils veulent à tout prix s’extraire de cette pauvreté dans laquelle leurs familles sont confinées depuis toujours. (suite…)