A LA DECOUVERTE DU SULTANAT DE BRUNEI avec Jean-Christophe Rufin: D’or et de jungle (Editions Calmann-Lévy)

« Le sultanat de Brunei. Il est situé sur l’île de Bornéo, dans le sud de la mer de Chine méridionale. (…) Cette île est une fois et demie grande comme la France. Elle est partagée entre la Malaisie au nord et l’Indonésie au sud. (…) Le front de rivière était constitué d’édifices désuets, aux parois de béton brut ou recouverts de carrelage, à la mode des années soixante-dix .(…) On apercevait distinctement sur l’autre rive les pontons d’un immense quartier sur pilotis. C’est Kampong Ayer. (…) De retour sur le bras principal de la rivière Brunei, ils remontèrent de nouveau son cours. Plus ils avançaient, plus la forêt couvrait densément les berges. On ne distinguait pratiquement plus aucune construction. (…) Ils s’engagèrent dans un étroit chenal qui faisait le tour du palais. (..) Ils aperçurent un long toit couvert d’or qui dépassait au-dessus des arbres. Puis ils retrouvèrent la ville et continuèrent en longeant les pontons du village sur pilotis. (…) Un pont suspendu très moderne enjambait les eaux. Plus ils s’éloignaient du « centre-ville », plus ils distinguaient, sur la rive escarpée, des villas luxueuses, noyées dans la végétation.  (…) La ville de Bandar Seri Begawan s’étend sur la rive gauche  de la rivière Brunei et de la baie dans laquelle elle se jette. En rejoignant la côte orientale de la mer de Chine, elle forme une sorte de longue presqu’île qui se termine par une pointe.»

Flora, ancienne nageuse de combat de 32 ans, travaille sur un navire de croisière au large des Galapagos où elle emmène des clients plonger dans la mer découvrir les fonds marins. A la suite d’une plongée qui tourne à une panique générale devant le passage d’un requin, elle est licenciée et doit se contenter d’un emploi de serveuse dans le restaurant d’un bled perdu Proche du Cap Horn. Elle y reçoit la visite de Ronald Daume, un aventurier qui vient de sortir de prison après avoir fomenté sans succès une tentative de coup d’Etat à Madagascar. Flora, aussi engagée dans cette opération, s’en est tiré sans dommage.

Ronald est venu la chercher pour engager un nouveau coup d’éclat. Il a convaincu un ami milliardaire qui a fait fortune dans le numérique de prendre le contrôle du sultanat de Brunei. Il s’agit de libérer les géants de ce secteur des règles fiscales et juridiques qui pèsent sur eux aux Etats-Unis. En s’emparant d’un Etat, ils pourront échapper à toutes ces contraintes. L’homme d’affaires en persuade d’autres de financer l’opération proposée par Daume.

Celui-ci s’installe à Nice et réunit autour de lui toute une équipe de hackers, de génies de l’informatique, de spécialistes du renseignement, de comptables mais aussi d’anciens militaires. Il se fait conseiller par un vieux professeur d’université qui a étudié et théorisé les coups d’Etat et établit un plan d’action.

Flora est envoyée en repérages à Brunei avec Jo, un autre agent qui a aussi sévi à Madagascar, un Gitan, dragueur lourdaud qui s’avère pourtant efficace. Pendant qu’ils rassemblent des informations sur la population de Brunei, le climat politique et social, l »organisation et lieux de pouvoir et les ethnies présentes dans le pays, le bureau de Nice met en œuvre le plan du vieux professeur. Des fake news déstabilisent le sultan et son entourage, suscite des protestations des islamistes et des conflits interethniques. La « stratégie de l’ébranlement » enregistre ses premiers résultats mais tout ne se passe comme prévu jusqu’à une dramatique pirouette finale.

« D’or et de jungle » est un roman d’aventures foisonnant et évidemment entièrement fictif. Aucun coup d’Etat n’a eu lieu à Brunei et le sultan y est toujours solidement en place. Néanmoins, Jean-Christophe Rufin s’est rendu sur place pour s’imprégner  des réalités du pays : « Le contexte politique, la composition ethnique du pays, sa situation économique, tout est fondé sur des informations aisément vérifiables. Nous avons conservé les noms des personnages officiels, en particulier de la famille royale. » Plus inquiétant est le projet de création dans le désert californien d’une cité par des investisseurs venus, semble-t-il, de l’univers du numérique, désireux de créer un « espace souverain ». L’imagination débridée de JC. Rufin n’est donc peut-être finalement pas si éloignée des projets fous de certains magnats du numérique. Et son roman décrit avec humour une épopée d’une grande fantaisie.