GAZA par Selma Dabbagh: Gaza dans la peau (Editions l’Aube noire)

« En sortant, Iman découvrit un monde transformé autour d’elle. La mer se trouvait toujours en face, le bâtiment universitaire derrière, la ville pelotonnée à sa gauche. Une cabane près de la corniche qui vendait des ballons de plage et des biscuits soufflés orange, avait toujours sa pancarte. (…) De  la fumée fuyait aux endroits où la terre avait été touchée, comme si l’horizon lui-même avait été percé ; ces impacts étaient emmurés par des volutes qui tourbillonnaient et s’étendaient. (…) Les bombes étaient tombées loin de sa maison. (…) Le ciel moutonnait au-dessus de la mer et les griffures laissées par l’avion à réaction se dissolvaient déjà dans l’atmosphère. (…) Les rues désertées lui paraissaient nouvelles, étrangères. Tout comme les graffitis étalés sur les murs et les rideaux fermés des magasins. Des affiches annonçant les morts enveloppaient étroitement les troncs d’arbres. (…) Elle s’assit sur le muret du terrain de jeux, à l’écart des pancartes des donateurs promettant la reconstruction. »

La bande de Gaza. Un attentat-suicide d’une jeune Palestinienne dans un parc d’Israël. Des bombardements aériens en riposte qui touchent un hôpital de Gaza.

La famille Mujahed habite au premier étage d’une maison, seule survivante de la destruction par l’armée israélienne d’un quartier dont tous les autres bâtiments ont été rasés et ont laissé la place à des tentes où les habitants ont trouvé provisoirement refuge.

Après avoir séjourné à l’étranger, à Beyrouth, à Paris, en Suisse, la famille Mujahed est revenue à Gaza. Mais Jibril, le père, qui a été l’un des hauts responsables de la Direction palestinienne, a quitté les siens pour s’établir dans un pays du Golfe où il a refait sa vie avec Suzi tout en aidant financièrement sa famille.

Rashid, le fils cadet, refuse de s’engager pour la cause palestinienne. Il obtient une bourse d’étude à Londres où il compte rejoindre Lisa, son amie anglaise.

Iman, sa sœur jumelle, se pose des questions. Elle fait partie d’un comité de femmes dont l’une des responsables lui fait comprendre qu’elle a été choisie par un groupe islamiste pour opérer un attentat. La mort d’un ami dans un bombardement l’incite à passer à l’acte. Elle a rendez-vous dans un restaurant avec un homme qui doit lui donner des instructions. Elle le suit dans la rue quand il est tué par une bombe. Elle est poussée à l’abri par un combattant de la Direction extérieure.

Sabri, le fils aîné, a perdu les deux jambes dans l’explosion d’une voiture piégée. Il écrit un livre où il décrit les oppositions entre factions palestiniennes.

Leur mère est une héroïne de la cause palestinienne. A l’insu de son mari, elle a participé au détournement d’avion organisé par le FPLP, le front populaire de libération de la Palestine.

Le propriétaire du rez-de-chaussée de leur maison est arrêté, accusé de collaboration avec l’ennemi.

Rashid part à Londres. Iman rejoint son père dans le Golfe.

Selma Dabbagh décrit la vie à Gaza, assiégée et attaquée régulièrement par l’armée israélienne, les dissensions entre l’OLP et le Hamas, les règlements de comptes à l’intérieur de ces deux groupes, la corruption de certains responsables mais aussi la naïveté des organisations humanitaires qui viennent en aide aux Palestiniens d’une Gaza ravagée par les bombardements et autres opérations militaires qui visent, entre autres, à tuer des responsables palestiniens mais qui font aussi des victimes innocentes et génèrent des destructions à répétition.

« Gaza dans la peau » n’es pas un polar mais un roman qui, à travers la destinée de la famille Mujahed, dépeint les réalités de la guerre au quotidien dans cette bande de terre. Œuvre de fiction, elle constitue néanmoins un témoignage rare de la vie des habitants de Gaza. Les personnages empreints de doute, guidés par un esprit de vengeance mais surtout par leur volonté de se battre pour l’indépendance de leur pays sont émouvants et convaincants de réalisme. Selma Dabbagh est passionnée par le thème de son roman et réussit à faire partager ses émotions.