CABO POLONIO par Roberto Montana: Rien à perdre (Editions Métailié)

Cabo Polonio est un hameau sur l’Atlantique qui ne compte qu’une centaine d’habitants permanents. Il est composé de maisons isolées, sans électricité, ni eau courante. La circulation de voitures y est interdite. « Les grandes dunes sont restées derrière, il n’y a que de petites ondulations parsemées de végétation rampante. De temps à autre surgissent des bicoques : quatre murs, un toit à deux pentes, une étroite terrasse avec vue sur la mer. Elles ne sont pas alignées mais éparpillée, comme si elles avaient été dessinées sur le sable chaud par la main capricieuse d’un enfant. A certains endroits on voit les restes  d’anciennes constructions dont le vent et le sel ne sont pas encore venus à bout. A quelques kilomètres de la côte, derrière les rochers de la baie, l’île des Otaries ressemble à un bateau à la dérive au milieu de l’océan. (…) Et les voilà tous les deux, courant sur la plage, une plage unique, un authentique verger enclavé au sud de l’océan Atlantique, avec ses dunes géantes, ses otaries, ses constructions pittoresques et ses airs de liberté. »

Trois hommes se retrouvent lors d’une réunion d’anciens élèves d’un lycée de Buenos Aires. Trente ans se sont écoulés depuis leur dernière rencontre.

Mario vit toujours avec sa mère. Le Nerveux qui vient de frapper sa femme est menacé de divorce par celle-ci qui est soutenue par ses enfants. Wave est un modeste employé de bureau dont l’épouse vient de lui annoncer qu’elle l’a trompé avec le fils de son patron. Il rêve d’enregistrer un disque mais jusqu’à présent sa carrière de guitariste et de chanteur s’est limitée à des concerts dans des bars et des salles de concert du quartiers. Il propose aux deux autres de passer ensemble un week-end dans une station balnéaire d’Uruguay.

Ils montent à bord de la vieille Taunus de Mario qui tombe plusieurs fois en panne en cours de route. A l’approche du poste frontière, Wave, revêtu d’une gabardine malgré la chaleur extérieure, transpire à grosses gouttes, est pris d’un malaise, se change puis demande à ses deux compères de prendre une route secondaire. De petits sachets de drogue tombent de son manteau. Le Nerveux est furieux. Wave les a abusés ? Mario et lui. Il les a utilisés comme couverture à ce convoyage d’héroïne, les exposant au risque d’être arrêtés pour complicité dans son trafic. Wave affirme avoir agi poutr financer les soins dont a besoin sa fille gravement malade.

Alors qu’ils se disputent tout rn poursuivant leur route, ils laissent monter à bord Patricia, une auto-stoppeuse enceinte et proche d’accoucher. Tout ce petit monde s’arrête pour la nuit dans une maison isolée. Mario et la jeune femme sympathisent au cours de la soirée. Mais lorsque les trois hommes se réveillent le lendemain matin, ils constatent que Patricia a disparu en emportant leur argent, leurs papiers, leurs portables et, biensûr, la drogue.

Et le trafiquant auquel Wave devait livrer les sachets d’héroïne et réclame sa marchandise. Il menace de s’en prendre à leurs familles ; Leur parcours sera semé d’embûches.

Les trois protagonistes principaux de ce voyage tragi-comique apparaissent comme des minables sympathiques qui n’ont pas réussi grand-chose pendant les trente années où ils se sont perdus de vue. L’un est resté solitaire soumis à la tyrannie de sa mère.Les deux autres sont mariés et ont des enfants mais leurs couples sont en train de sombrer. Chacun se confie aux deux autres pendant ce voyage où les pannes, les incidents, les imprévus, les dangers s’accumulent, révèlent leurs faiblesses et travers, attisent les malentendus. Mais tous trois sont obligés de faire cause commune pour sortir indemnes du guêpier dans lequel sont plongés ces bras cassés pathétiques.

Même quand leur aventure tourne au drame, la dérision, l’humour soutenus par un style direct, des phrases courtes confèrent à ce roman, noir malgré tout, un ton léger, enlevé et jubilatoire. Une œuvre inédite d’un auteur talentueux jusqu »alors méconnu en version française.