L’ALASKA par M.J. Mc Grath: Le garçon dans la neige (Presses de la Cité)

« D’ici quelques jours, il atteindrait les hauts sommets de la chaîne de l’Alaska. Ensuite, ce serait le bassin du Kuskokwim, puis deux cent cinquante kilomètres d’un parcours ardu, accidenté, dangereux, sur les glaces du fleuve Yukon, avant de rejoindre la banquise de la baie de Norton. (…) Bien que la ville de Nome fût plus grande et plus développée que Kuujuaq (…), elle lui avait immédiatement semblé familière. Indépendamment de leur situation géographique exacte, tous les villages de toundra semblaient partager trois ou quatre caractéristiques ; un aspect désolé, dérisoire presque comme un manque d’estime de soi ; le sentiment d’être insignifiants, minuscules, ridicules au milieu de ces paysages ; et une étrange sensation de liberté absolue. (…) Bientôt, elle eut complètement laisser la banlieue derrière elle et roulait vers le sud, les immenses étendues du golfe de Cook à sa droite, la banquise illuminée par les ultimes lueurs du clair de lune matinal. (…) Ils survolèrent le Kuskokwim et les Kaiyuh, l’itinéraire de l’Iditarod, puis se dirigèrent vers la baie de Norton et l’archipel des Barren. Lorsqu’ils laissèrent la forêt derrière eux, elle eut l’impression de se dilater dans la toundra. »

Edie Kiglatuk, qui est Inuit et guide sur la terre d’Ellesmere, dans l’extrême-Arctique canadien, voyage en avion jusqu’en Alaska avec son ami brigadier Derek Palliser pour assister Sammy Inukpuk, son ex-mari, qui réalise le rêve de sa vie en participant à l’Iditarod, une mythique course de chiens de traîneaux entre Anchorage et Nome.

En attendant le départ, elle fait une promenade en moto-neige dans les environs. Elle croit apercevoir un « ours esprit » qui, pour les autochtones, est une créature d’un autre monde qui transmet des messages des morts aux vivants. Il l’entraîne à sa suite. Elle se perd puis croise un couple étrange de « vieux-croyants », membres d’un groupe religieux russe, une secte qui est issue d’un schisme dans l’église orthodoxe. Puis elle marche jusqu’à une petite maisonnette en bois posée à même la neige. A l’intérieur, elle découvre le cadavre congelé d’un bébé sur lequel a été dessiné une croix compliquée.

Elle prévient la police qui reçoit son témoignage avec réticence puis décide rapidement que le responsable de la mort du nourrisson doit être un vieux-croyant membre de cette secte qui vit fermée au monde extérieur.

Le bambin est identifié comme étant Lucas Lightfish, le fils de TaniaLee Littlefish, une autochtone domiciliée dans la ville d’Homer.

Malgré les avertissements de la police et les réserves de Derek, Edie mène sa propre enquête chez les vieux-croyants qui la conduisent jusqu’à Peter Galloway. Celui-ci l’agresse, l’assomme et prend la fuite. Les policiers l’appréhendent et l’inculpent de meurtre. Un deuxième bébé, trisomique, est à son tour retrouvé congelé. Le maire d’Anchorage qui est en pleine campagne électorale pour le poste de gouverneur de l’État veut clore l’affaire pour montrer qu’il maîtrise la situation.

Mais Edie n’est pas convaincue de la culpabilité de Galloway. Elle ne comprend pas pourquoi les vieux-croyants ont accepté de vendre leurs terres à un promoteur immobilier alors qu’ils refusaient jusqu’alors de la faire. Et puis elle se demande si les deux petits cadavres n’ont pas un rapport avec un réseau de prostituées russes. Et Sammy Inukpuk a un accident au cours de la course.

La neige, le gel, la glace, le froid constituent la toile de fond et une menace constante pour les protagonistes du récit même s’ils sont le lot quotidien de beaucoup d’entre eux, dont les Inuits.

Le roman aborde aussi d’autres thèmes comme l’intolérance à l’égard des marginaux qui vivent différemment comme ces vieux-croyants, l’arrogance de promoteurs immobiliers prêts à ravager les paysages sauvages de l’Alaska pour réaliser des projets délirants mais lucratifs, l’arrivisme de certains hommes politiques et l’exploitation de prostituées aux mains de souteneurs sans scrupules.

Le récit est aussi celui de la solidarité dans l’adversité, du respect de la nature et des animaux. Au-delà, ce sont les conditions de vie extrêmes de l’Alaska que décrit M.J. Mc Grath dans une épopée aux multiples rebondissements jusqu’au » happy end » final.