PARIS ET… L’IRLANDE DU NORD par Nicolas Lebel : De cauchemar et de feu (Editions Marabout et Livre de poche)

LEBEL CAUCHEMAR« Les grands lions pâles de la fontaine de la place Felix Eboué qui lançaient des regards moqueurs », « les entrelacs d’acier du viaduc d’Austerlitz zt la grande horloge », « la rue de Reuilly qu’une bruine tenace rendait noire et luisante comme l’obsidienne sous les feux dorés des lampadaires », « le quartier des pots de fleurs qui s’étendait entre l’Elysée, l’ambassade d’Israël et celle des Etats-Unis surnommé ainsi par les policiers en raison du nombre démesuré de gardes statiques au kilomètre carré », le quai des Tuileries, la place de la Bastille et son Génie de la Liberté, la basilique du Sacré-Cœur sont autant de lieux traversés ou longés par le capitaine Mehrlicht et son équipe dans une enquête qui commence dans un pub irlandais où le cadavre de John Murphy, un Irlandais du Nord, est assis sur le siège des toilettes, une balle dans la tête et deux autres dans les genoux. Ces dernières indiquent que l’homme était considéré comme un traître. Par qui ?

Par l’IRA, l’Armée républicaine irlandaise ? Mais celle-ci a mis fin à ses actions violentes depuis longtemps. Pourtant Murphy a passé de nombreuses années dans les prisons britanniques pour avoir été l’un des artificiers de l’organisation. Alors a-t-il été la victime d’un règlement de comptes décidé par un groupuscule qui ne se résout pas à rendre les armes ou un guerrier solitaire qui pourrait être le Far Darrig, ce tueur mythique, responsable de plusieurs attentats sanglants et qui n’a jamais été identifié ? Sa signature, le dessin enfantin d’un bonhomme, a été griffonné sur le mur près du corps de Murphy. D’autres meurtres suivent. Un ancien officier qui a été en poste en Irlande du Nord et qui habite à Paris est tué d’une bombe au phosphore blanc alors que sa femme est abattue d’une balle. Le patron du pub irlandais est lui aussi assassiné. L’auteur de cette tuerie est bien le fameux Far Darrag qui s’était illustré pendant la guerre civile en utilisant le terrifiant phosphore blanc pour commettre des crimes abominables. Mais l’homme n’avait plus donné de signes de vie depuis près de trente ans. Avec l’aide d’un policier anglais, Mehrlicht comprend que le tueur s’en prend à ceux qui, selon lui, l’ont trahi et n’hésite pas à faire des victimes collatérales.

En parallèle de l’enquête qui se déroule à Paris, Nicolas Lebel décrit les débuts de la guerre civile en Irlande du Nord, la montée de la violence, les interventions de plus en plus brutales de l’armée britannique, le fameux dimanche  sanglant, l’entrée en action de l’IRA dont les actions deviennent de plus en plus meurtrières frappant les protestants, les soldats britanniques mais aussi des catholiques qu’elle juge comme des traîtres ; Tous ces événements sont présentés du point de vue d’un groupe d’adolescents catholiques du quartier du Bogside qui passent ensuite à l’âge adulte et font des choix différents, les uns s’engageant dans les rangs de l’IRA, les autres optant pour des protestations pacifiques. Le jeune Seamus Fitzpatrick s’oriente vers la prêtrise mais son mentor, le père O’Donnell le convainc de rejoindre le camp de la violence extrême. Ce sera pour lui le début d’une dérive de plus en plus folle.

Nicolas Lebel réussit le tour de force de retracer l’histoire de la guerre civile d’Irlande du Nord sous la forme d’un thriller de plus en plus noir, où les innocents sont broyés par une guerre aveugle qui génère des assassins ou des monstres qui tuent sans discernement. La guerre rend fou pourrait être l’une des leçons d’un roman où l’humanité se trouve surtout chez ses policiers français qui peinent à gérer leurs vies personnelles tout en assumant leurs fonctions. Un cocktail adroit de tendresse et d’horreur.