WINDHOEK par Bernhard Jaumann : L’heure du chacal (Editions du Masque et Livre de poche)

JAUMANN CHACALLa Namibie, pays du sud-ouest de l’Afrique, est bordée à l’ouest par l’Atlantique, au sud par l’Afrique du Sud, à l’est par le Botswana et au nord par l’Angola avec un petit bout de frontière avec la Zambie. Colonie allemande de 1884 à 1915 puis protectorat de l’Afrique du Sud jusqu’en 1990, elle a aussi subi le régime de l’apartheid et n’a obtenu son indépendance qu’après plus de vingt ans de guérilla menée par la SWAPO, mouvement dont le chef, Sam Nujoma est devenu le premier président lorsqu’elle recouvré la liberté. Les influences allemandes et néerlandaises se retrouvent dans les noms des villes (le nom de sa capitale, Windhoek, signifie le coin du vent) et des rues. Vivant de l’extraction de matières premières, notamment de diamant, et de la pêche, la pays connaît toujours de fortes inégalités entre Blancs et Noirs, encore nombreux à être confinés dans des townships misérables et victimes d’un chômage massif.

Un tueur, dont on ne saura seulement, qu’il est secoué de violentes quintes de toux, symptômes d’une maladie mortelle, pendant une bonne partie du récit, abat à la kalachnikov automatique, dans le jardin de sa propriété, un Sud-Africain blanc, cadre supérieur dans une entreprise. Quand l’inspectrice noire Clemencia  Garises, qui habite dans le township de Katutura, arrive sur les lieux du meurtre, la méfiance interraciale se manifeste immédiatement lorsqu’elle parle avec les proches de la victime. Le tueur poursuit obstinément sa mission. Il tue un autre Sud-Africain qu’il intercepte à la sortie de l’aéroport et qui devait rencontrer sa première cible. Clementia établit un lien entre les deux hommes assassinés. Ils faisaient tous les deux parties d’un commando d’extrémistes blancs qui a exécuté devant son domicile Anton Lubowski, un avocat blanc qui était un activiste anti-apartheid et un dirigeant de la SWAPO. Tous les membres de ce groupe avaient été relâchés faute de preuves. Le chef de Clemencia, pourtant lui aussi ancien dirigeant de la SWAPO, lui demande de chercher ailleurs le mobile des deux crimes. Clemencia lui désobéit et s’entête. Les faits lui donnent raison puisque d’autres membres du commando sont tués à leur tour. Alors que l’étau se resserre sur un tueur de plus en plus mal en point, les questions sur ses motivations demeurent : agit-il seul ou pour un commanditaire ? Est-il guidé par un esprit de vengeance personnel ou faisait-il lui-même partie du groupe armé ?

Berhard Jaumann s’est inspiré d’un fait réel. L’avocat blanc, Anton Lubowski, a réellement existé et a été abattu par un commando téléguidé par le régime raciste d’Afrique du Sud. Les meurtriers étaient connus mais n’ont été ni jugés ni condamnés. Certains restent vivants et impunis.

« L’heure du chacal » revient sur la période de l’accession à l’indépendance de la Namibie et des actions violents des desperados de la suprématie blanche. En contrepoint de ce volet historique, il dépeint le quotidien du le township de Katutura où Clementia vit dans un petit baraquement avec deux tantes envahissantes et leur progéniture, son père qui s’est muré dans l’inaction et le mutisme depuis que sa femme a été tuée par une balle perdue et son frère qui survit entre alcool et petits délits dérisoires. Tout ce petit monde se débrouille joyeusement et se mêle sans vergogne de la vie professionnelle et sentimentale de la jeune femme que les deux tantes veulent marier à un journaliste allemand qu’elle a croisé au cours de son enquête. La chronique truculente de cette famille fait pendant à la grande histoire du pays qui sous-tend les recherches de Clementia. Une œuvre originale dans un pays qui a connu les affres de l’apartheid mais qui a moins fait la une des journaux que son voisin sud-africain.