A LA DECOUVERTE DE JATINGA (ASSAM) (INDE) avec Abir Mukherjee: Le soleil rouge de l’Assam (Editions Gallimard et Folio policier)

Jatinga est un village de 2500 habitants dans le district de Dima Hasad dans l’Etat de l’Assam au nord-est de l’Inde. « Un soleil ambré se lève, passant du rouge sang à l’or. Au-dessous une tapisserie de collines verdoyantes s’étend vers un horizon bleu et les vallées entre elles sont enveloppées dans une brume matinale soyeuse. Au loin apparaît Jatinga, ses bungalows blancs serpentant à flanc de coteau, leurs toits perçant la canopée comme des rochers dans une mer émeraude. (…) Le cœur de la ville montagnarde de Jatinga, si on peut l’appeler ainsi, consiste en quelques bâtiments de bois rassemblés autour d’une église, celle-ci résolument anglicane. » Le village est célèbre pour son mystère de suicides en nombre d’oiseaux après le coucher du soleil entre septembre et novembre. « D’immenses nuées (d’oiseaux) qui pirouettent dans les nuages comme d’un même élan. (…) Et ce soir, dans le vide de la nouvelle lune, cette voix leur ordonne-t-elle de descendre en vrille à travers le brouillard de la montagne pour venir s’écraser sur le sol de cette vallée au milieu de nulle part ? » Jatinga est au centre d’une bande migratoire pour des oiseaux venus du nord qui s’écrasent sur les bâtiments et les arbres, désorientés par le brouillard de la mousson et attirés par les lumières du village.

Février 1922. Le capitaine de police britannique Sam Wyndham arrive de Calcutta à Jatinga pour séjourner dans un ashram dont les moines doivent l’aider à se défaire de son addiction à l’opium. Dans une gare, il aperçoit un individu qui lui rappelle de mauvais souvenirs. Il le perd rapidement de vue.

Le traitement qu’il suit est éprouvant, fait de vomissements et de privations épuisants. Il se remémore l’une des premières enquêtes à laquelle il a participé en février 1905 dans le quartier de Whitechapel à Londres. Bessie Drummond, dont il a été amoureux avant de mettre fin à leur liaison, été assassinée dans le logement qu’elle occupait avec son mari violent. Deux jours plus tôt, elle avait déjà été agressée en rue avant que deux hommes ne se disputent pour elle et que Wyndham et son chef ne les fassent fuir.

La pièce où Bessie a été tuée était fermée à clef de l’intérieur. Pour les policiers, le meurtrier n’avait pu s’échapper qu’en montant par la fenêtre à l’étage supérieur jusqu’à un logement occupé par un Juif nommé Vogel. Dans l’antisémitisme ambiant, celui-ci avait été arrêté, condamné et pendu. Wyndham n’avait pas cru à sa culpabilité et poursuivi sa propre enquête.

Pendant son séjour dans l’ashram, un autre pensionnaire, belge, est retrouvé mort, le crâne fracassé, dans une rivière. Le médecin conclut à un décès suite à une chute accidentelle. Wyndham n’est pas convaincu et appelle à l’aide, par télégramme, son adjoint indien Sat Banerjee.

A la fin de sa cure, Wyndham s’installe en convalescence chez Preston, un ingénieur britannique. Il rencontre la séduisante Emily Carter, épouse du riche magnat local. Tous les Britanniques des environs se retrouvent pour une soirée au club local où ils assistent au suicide des oiseaux. Dans la nuit, Wyndham est agressé et l’homme qu’il soupçonne d’avoir commandité l’opération est découvert mort le lendemain matin dans son lit.

Abir Mukherjee livre deux mystères de meurtres « en chambre close » dans ce roman, l’un commis en1905 à Londres et l’autre en 1922 dans l’Assam. Wyndham parviendra-t-il à démasquer les assassins et à les faire condamner ?

Mukherjee entretient le suspense jusqu’au bout, au moins pour l’un des deux. Mais ces récits offrent aussi à l’auteur l’occasion d’évoquer la grande histoire de l’Inde. Pendant que Wyndham séjourne en Assam, une manifestation pour l’indépendance de l’Inde tourne au drame. Une vingtaine de policiers sont tués. Gandhi suspend la grève générale et se retire pour prier.

Les relations entre Wyndham et Banerjee se tendent, faites de malentendus et de désaccords à mesure que le second est de plus en plus révolté par l’attitude méprisante voire insultante des colons auxquels il oppose l’autorité de sa fonction. Wyndham es tiraillé entre sa solidarité avec ses compatriotes et le respect et l’amitié qu’il éprouve à l’égard de Banerjee. Il fait partie de ceux qui estiment que les Britanniques ne pourront pas longtemps s’opposer à la revendication légitime d’indépendance des Indiens.

Mukherjee retrace, à travers une intrigue policière bien construite, cette période cruciale de l’histoire de l’Inde.

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