A LA DECOUVERTE DE LA SARDAIGNE (ITALIE) avec Piergiorgio Pulixi: L’île des âmes (Editions Gallmeister)

« La Sardaigne n’est pas une île. C’est un archipel d’innombrables îlots séparés non par la mer, mais par des langues de terre. Certaines ne sont que de petits atolls, mais chacune a sa propre identité. Parfois même une langue et des coutumes spécifiques. (…) Le regard plongeait vers l’horizon par-delà la nature sauvage constellée de roches majestueuses, jusqu’à rencontrer la vallée du Tirso, puis le Montiferru, et à embrasser le bleu cobalt de la mer Tyrrhénienne d’une part et l’azur intense de la mer de Sardaigne de l’autre. (…) Une superficie de vingt-quatre mille kilomètres carrés de bois, de montagnes, de grottes, de terres agricoles, de hameaux, sur la côte et dans l’arrière-pays. (…) Le seul parc du Gennargentu couvrait un territoire de près de huit cents kilomètres carrés et abritait sur ses hauteurs des forêts si denses et si impénétrables que l’on racontait que certaines portions n’en avaient jamais été explorées. (…) La maison se trouvait en dehors du village de Capoterra, à une demi-heure de route de Cagliari, dans un lieu-dit du nom de Santa Rosa, un ensemble de petites villas résidentielles enkystées dans la roche, du haut desquelles on pouvait contempler au loin la mer, les hameaux côtiers, la lagune et les longues crêtes boisées. »

Une unité des crimes non élucidés est créée dans la section des homicides de la questure de Cagliari. Deux inspectrices la composent. Pour toutes deux, cela ressemble à une sanction. Mara Rais s’y retrouve après avoir été en conflit avec le vice-questeur de la ville. Eva Croce a été mutée de Milan après avoir violemment agressée une femme qui avait vendu sa fille à un pédophile qui l’avait tuée.

Le commissaire Farci les charge de reprendre les dossiers de deux crimes rituels commis en 1975 et 1986. Les victimes étaient deux jeunes femmes qui n’ont toujours pas été identifiées. Toutes deux ont été égorgées. Leurs cadavres dénudés ont été déposés à deux cents kilomètres de distance au pied de puits sacrés entourés de temples dans des terrains rocheux.

Un policier, Moreno Barrali, a fait de l’enquête sur ces deux meurtres une obsession qui l’a conduit à amasser, en vain, toutes sortes de documents et de témoignages. Il est atteint d’un cancer en phase terminale.

Les deux inspectrices le rencontrent alors qu’une troisième jeune femme, Dolores Murgia, a disparu depuis plusieurs jours.

Son cadavre est retrouvé, lui aussi nu, dans un lieu sacré. Mais, à la différence des deux premières victimes, elle a été violée et sauvagement battue et droguée.

Un anthropologue oriente les deux inspectrices sur la piste d’une secte qui se rassemble dans des lieux dits sacrés. Mara, Eva et Ilaria, une troisième collègue, se rendent au domicile d’une disciple de Melis, le gourou de cette secte. La propriétaire de la maison fait feu sur les policières pendant que l’homme s’enfuit.  Ilaria est mortellement blessée ainsi que la femme qui a  tiré sur elle. Le fuyard est rattrapé, arrêté et emprisonné. Il nie tout en bloc et se mure dans le silence. Si les policiers peuvent prouver qu’il a participé aux tortures infligées à Dolores, Mara et Eva ne sont pas convaincues qu’il soit le meurtrier. Il ne parlera jamais. Le lendemain matin, il gît dans sa cellule, les veines tranchées. Meurtre ou suicide ?

Dans les montagnes de la Barbagia, au centre de l’île, vit le clan Ladu dirigé d’une main de fer par Bastianu, un géant brutal, qui fait régner la terreur sur sa famille et les villageois les plus proches. Les Ladu vénèrent une déesse dont ils s’assurent la protection par des sacrifices animaux et même humains. En 1961, un jeune garçon a aperçu un »ogre  porter le corps une jeune morte. Tous ces meurtres ont-ils un lien entre eux ?

Les deux héroïnes du roman » sont cabossées par la vie. L’une a perdu sa fille des suites d’un cancer. L’autre a divorcé d’un mari qui la trompait outrageusement. Forcées de travailler ensemble, elles s’apprivoisent tant bien que mal au cours d’une enquête de plus en plus sanglante.

Corruption, meurtres, croyances et mythologies sardes sont autant d’ingrédients d’un récit qui révèle une vision sombre d’une Sardaigne mystérieuse, envoûtante. Un polar rude, ténébreux, prenant et une énigme aux multiples facettes dont seule la conclusion paraît quelque peu artificielle.